L’europe peut devenir le leader mondial de l’ia responsable

L’europe peut devenir le leader mondial de l’ia responsable

Comment l’UE peut devenir un leader mondial de l’IA grâce à une gouvernance responsable des données

L’Union européenne a aujourd’hui une opportunité unique de façonner la gouvernance mondiale de l’intelligence artificielle (IA) et des données. Resham Kotecha, responsable mondiale des politiques publiques à l’Open Data Institute (ODI), souligne que l’UE peut prouver qu’il est possible de protéger les droits des citoyens tout en favorisant l’innovation.

Dans son manifeste européen sur les politiques de données et d’IA, l’ODI présente six grands principes pour guider les décideurs, en insistant sur une gouvernance solide, des écosystèmes inclusifs et la participation citoyenne.

L’UE, moteur de normes mondiales en IA et gouvernance des données

Selon Kotecha, « l’UE dispose d’une opportunité unique pour définir un standard global de gouvernance numérique centré sur les individus ». Le manifeste affirme que l’innovation et la compétitivité doivent reposer sur une régulation protégeant les droits des citoyens et renforçant la confiance.

Des initiatives comme les espaces européens de données communs et Gaia-X illustrent déjà les efforts de l’UE. Elles permettent aux gouvernements, aux entreprises et aux chercheurs de mutualiser leurs données sans renoncer à leur contrôle. Ces mécanismes assurent une combinaison de partage de données à grande échelle avec des normes strictes de sécurité et de confidentialité.

Les technologies favorisant la confidentialité (PETs) jouent aussi un rôle clé. Elles permettent d’analyser ou de partager des informations sensibles sans divulguer les données brutes. Ces outils, soutenus par des programmes européens comme Horizon Europe ou Digital Europe, doivent maintenant passer de la phase pilote à une adoption généralisée.

Enfin, la supervision par des organismes indépendants est essentielle pour garantir la transparence. « Ces entités construisent la confiance du public et garantissent la responsabilité des gouvernements et des entreprises », ajoute Kotecha. Le programme des institutions de données de l’ODI fournit un modèle pour mettre en place et soutenir ces structures.

Les données ouvertes comme socle d’une IA responsable en Europe

Le manifeste positionne les données ouvertes comme une base essentielle pour le développement d’une intelligence artificielle éthique. Pourtant, de nombreuses entreprises hésitent encore à partager leurs données en raison de risques commerciaux, de l’incertitude juridique, ou de problèmes de qualité des données publiées.

Pour surmonter ces obstacles, l’UE devra :

  • Encourager un cadre législatif clair
  • Offrir des incitations financières
  • Déployer les infrastructures nécessaires
  • Aider les organisations dans la gestion des données

Kotecha souligne que pour convaincre les dirigeants, les avantages concrets liés au business doivent être mis en avant, et non seulement l’intérêt général. Des structures comme le DSSC (Data Spaces Support Centre) ou l’IDSA (International Data Spaces Association) favorisent déjà un partage sécurisé et standardisé des données.

Les bacs à sable réglementaires (regulatory sandboxes) offrent un cadre contrôlé pour tester de nouvelles approches et démontrent la compatibilité entre intérêt public et réussite commerciale. Les PETs y apportent un niveau de protection supplémentaire.

Créer un écosystème européen de l’IA fiable et transfrontalier

L’un des principaux défis est l’harmonisation à travers les États membres. Des normes divergentes et des lois inconsistantes nuisent à la fluidité du système.

La mise en œuvre uniforme du règlement sur la gouvernance des données (DGA) sera la clé. Mais selon Kotecha, ce ne sont pas seulement les lois qui comptent. « Tout dépendra de la manière dont les États membres appliqueront réellement le DGA et soutiendront les acteurs intéressés », dit-elle.

Pour bâtir une confiance durable, le dialogue entre gouvernements, entreprises et société civile est indispensable. Kotecha propose un écosystème de données « ouvert et digne de confiance », dans lequel la collaboration maximise la valeur des données tout en limitant les risques liés aux échanges transfrontaliers.

Une gouvernance indépendante grâce à un financement soutenu

Une supervision efficace de l’IA nécessite des structures solides et indépendantes. Or, sans financement à long terme, les organisations risquent de ne devenir que des prestataires de projets.

« Les structures de gouvernance doivent être durables, transparentes, dotées d’instances d’éthique, d’audit et de rémunération, pour garantir l’indépendance et la responsabilité », explique Kotecha. L’intégration de ces principes dans les modèles de financement européens pourrait assurer la pérennité des organismes de surveillance.

Faciliter l’accès aux données pour les startups

L’accès aux données de qualité est souvent limité aux grandes entreprises technologiques. Les jeunes entreprises et PME rencontrent des barrières financières et techniques majeures.

Pour y remédier, des initiatives comme les AI Factories ou les Data Labs mettent à disposition des données sélectionnées, des outils adaptés et des ressources d’expertise.

Par exemple, le projet Data Pitch a permis à 47 startups de collaborer avec de grandes entreprises dans 13 pays, générant plus de 100 emplois et 18 millions d’euros en revenus et investissements. De même, le programme OpenActive de l’ODI a stimulé des applications dans le secteur du sport et de la santé grâce à des standards ouverts.

Inclure les citoyens dans la gouvernance des données

Selon le manifeste, le succès de l’écosystème européen de l’IA repose aussi sur la participation citoyenne. Kotecha affirme qu’une telle participation ne doit pas être symbolique mais véritablement active.

Le rapport What makes participatory data initiatives successful? de l’ODI en 2024 montre que la participation locale renforce le sentiment d’appropriation et donne une voix aux groupes sous-représentés.

Exemples concrets :

  • Des projets de santé dirigés par des communautés locales
  • Des outils accessibles intégrant des standards ouverts
  • Des stratégies adaptées aux besoins culturels de chaque population

Pour Kotecha, former et équiper les communautés est essentiel. Cela inclut des moyens technologiques accessibles (y compris hors-ligne), des messages clairs sur la protection des données, ainsi que la représentation des divers profils sociaux.

Confiance et souveraineté : l’avantage concurrentiel européen

D’après le manifeste, l’Europe a une opportunité stratégique. « L’UE peut prouver que la confiance est un avantage compétitif dans l’IA », déclare Kotecha. Adoptant une approche centrée sur les droits, avec des données ouvertes, une supervision indépendante, des écosystèmes inclusifs et des compétences numériques, l’UE peut valoriser une régulation éthique.

En opposition à la fragmentation réglementaire des États-Unis ou au modèle étatique chinois, l’UE peut devenir une référence globale pour une IA responsable et digne de confiance.

Pour Kotecha, il ne s’agit pas uniquement de créer des règles, mais de « façonner l’avenir » : l’UE doit se positionner comme référente mondiale des normes de gouvernance en IA.

@ReservoirLive